Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/381

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lui dit-elle un jour, après que le docteur venait de visiter son malade. — Toujours de même. — Ni mieux ni plus mal ? C’est toujours la même chose. — Mais enfin, comment ?... — Ah ! princesse, dit Parisio, qui comprenait bien ce qu’on voulait apprendre, vous voulez en savoir plus que notre art n’en peut dire ! — Mais vos devoirs vous imposent de prévoir les accidents. N’allez pas mettre l’âme de sa sainteté en danger. — Votre excellence doit s’apercevoir à la fréquence de mes visites que je ne veux pas me laisser prendre en défaut ; d’ailleurs je ne sors pas du palais. Au plus léger accident on peut m’avertir. — Ainsi vous ne pensez pas que rien presse... qu’il y ait un danger imminent ?... — Si ; le danger est imminent, en ce sens qu’il menace sans cesse ; mais il faut attendre qu’il vienne. — Comment ! vous ne pouvez me dire si cet état durera une semaine, quinze jours ou un mois ? — Il peut durer un mois, quinze jours, une semaine, madame, de même qu’il peut cesser demain. En pareille circonstance un médecin sage n’a qu’à attendre, en se tenant toujours sur ses gardes. Et à vous dire la vérité, princesse, ajouta Parisio, qui s’apercevait bien que dona Olimpia le consultait bien plutôt pour savoir quelle conduite elle devait tenir, que dans l’intérêt de la santé du pape, il ne faut pas le perdre de vue un seul instant, parce que d’un moment à l’autre son état peut devenir désespéré. — Mais, mon cher Parisio, reprit vivement dona Olimpia, que toutes ces paroles vagues ne pouvaient satisfaire, voyons, parlez-moi librement. Ce n’est plus le médecin du saint-père que j’interroge, c’est le savant Parisio à qui je demande confidentiellement combien il pense que le malade peut vivre encore. — Mais je n’en sais rien, madame. — À quoi donc vous sert votre science ? — À vous répondre comme j’ai l’honneur de le faire. — Mais le docteur Bertucci, que j’ai vu hier, m’a assuré que le malade n’a pas plus de quinze jours à vivre. — Eh mais ! Bertucci a peut-être dit vrai : il est astrologue, moi je ne suis que médecin. Il fait son métier, moi je fais le mien. C’est à vous à décider qui des deux vous devez croire. Au surplus, princesse, au premier moment de danger, mon devoir est d’aller avertir le vicaire du pape, et il n’en sera instruit qu’après vous.