Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/389

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pourparlers préliminaires. Flottant entre les Barberins et le cardinal Sachetti, il cherchait à disposer les esprits de manière à ce que l’élection qui allait se faire fût avant tout désagréable au cardinal Mazarin. On allait, on venait, on montait, on descendait dans les détours du Quirinal, cherchant les uns, évitant les autres, et s’efforçant de lire sur les visages si on était disposé à vous sourire ou à vous repousser. Déjà les promesses, les intrigues et les fausses confidences circulaient avec activité au milieu de cette foule d’hommes agités par mille espérances contraires, lorsque vint l’ordre du pape de se rendre près de lui. Le silence se rétablit aussitôt, et le sacré collège rentra avec gravité dans la chambre d’Innocent.

La vue des mourants a quelque chose d’auguste en soi, qui devient ordinairement salutaire à ceux qui les approchent. Près de ce vieillard gisant sur son lit, ces hommes qui peu d’instants avant se disputaient déjà avec tant d’acharnement les vaines espérances de ce monde, firent un retour sur eux-mêmes et sentirent le néant de ce qui les occupait.

« Mes frères, leur dit le pontife, suspendant ses phrases pour ménager et recueillir ses forces, nous n’avons pas oublié les paroles qui ont été chantées pendant l’office célébré à notre couronnement : « Sic transit gloria mundi. » Je suis prêt à mourir. Le ciel est témoin que mes intentions ont toujours été pures... mais l’homme est faible, mes frères, et je vous prie d’être indulgents pour moi sur la terre, et d’intercéder là haut, en ma faveur...

» Les temps sont difficiles, continua le pape, la sainte Église est en péril, et je m’accuse devant vous de n’avoir point fait assez pour éloigner et combattre ces dangers. Des considérations spécieuses m’ont trop souvent détourné de l’idée de porter secours aux nations qui combattent le Turc. La pauvreté de nos peuples, le besoin de faire face à des disettes fréquentes, nous ont empêché d’employer les fonds de l’état à aider les Vénitiens dans la guerre de Candie. Que celui d’entre vous, mes frères, qui sera choisi par le Saint-Esprit pour me succéder répare cette grande faute.

» Le Turc est un ennemi redoutable sans doute, reprit le