Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/391

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

restres même les plus saintes, qu’il ne veuille servir que Dieu, qu’il soit uniquement l’époux de l’Église. »

Ces derniers mots, où la pensée se manifestait d’une manière si nette, bien que les lèvres tremblantes du pontife eussent de la peine à les articuler, produisirent une profonde émotion sur ceux qui les entendirent, et un sentiment de respect universel fit tomber tous les cardinaux à genoux autour du lit.

Innocent éprouva une légère défaillance, pendant laquelle son médecin, Parisio, lui fit respirer des eaux fortifiantes, et essuya la sueur qui humectait son front, après quoi il continua : « Que le Saint-Esprit, mes frères, vous inspire dans les travaux de l’élection ; mais s’il est permis à un humble pécheur de rendre profitable aux autres l’expérience de sa vie imparfaite, croyez-moi, élevez sur la chaire de saint Pierre un homme exclusivement dévoué à la gloire de notre sainte religion. Parmi ceux que l’expérience du gouvernement de l’Église m’a fait distinguer, j’en vois un dont la vie de prêtre a toujours été pure, qui s’est constamment garanti des séductions mondaines, que ses talents dans le gouvernement des choses temporelles ont rendu l’un des plus fermes défenseurs du saint-siége... »

À ces mots, tous les yeux se portèrent sur Fabio Chigi, dont le regard resta au contraire fixé sur la terre.

« Celui-là, continua le pape, entraîné par l’idée qui le dominait et sans faire attention à ce qui se passait autour de lui, celui-là peut vous faire comprendre quelles dispositions de cœur et d’esprit vous devez apporter dans le choix important que vous aurez bientôt à faire. »

Innocent se tut en se laissant aller dans les bras de Parisio. Le malade et le médecin échangèrent quelques paroles à voix basse, à la suite desquelles le docteur pria les cardinaux, de la part du saint-père, de sortir encore un instant de la chambre, afin de renouveler l’air.

La foule se répandit de nouveau dans le Quirinal. À mesure qu’on s’éloignait du pontife, les groupes se formaient, les conversations devenaient plus vives, et les prélats, les personnes de la cour, qui n’avaient pu approcher du lit du