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mourant, s’informaient avec curiosité de ce qui s’était passé. « Il a désigné son éminence le cardinal Chigi pour son successeur, n’est-il pas vrai ? demandait l’un. — Sans doute, répondait un des assistants, sa sainteté a usé de son droit ; mais le sacré collège peut user des siens. — On dit qu’il a fulminé contre dona Olimpia ? demandait un autre. — Il n’a pas dit un mot d’elle, » répondait avec humeur Gualtieri, à qui on adressait cette question, tandis qu’il cherchait des yeux les trois cardinaux Barberins, avec lesquels il désirait s’entretenir. Au milieu de ce tumulte, ce ne fut pas sans peine que les différentes factions parvinrent à s’emparer chacune d’un corridor ou d’un cabinet, pour s’entendre et commencer déjà à faire valoir leurs espérances et leurs projets. À ce moment, les trois cardinaux mis en avant par les Barberins, le cardinal de Retz et Cezi, étaient Sachetti, Cherubini et Maculano. Quant à Fabio Chigi, que le pape venait de désigner, il n’en fut pas plus question que s’il n’eût pas existé ; et tandis que toute la cour apostolique allait, venait, s’agitait et bourdonnait comme un essaim d’abeilles au moment du travail, ce grave personnage était resté assis, seul, dans l’embrasure d’une croisée, attendant avec un calme apparent l’issue d’une catastrophe qui faisait bouillonner si vivement tous les esprits.

Le pape, ayant fait rouvrir les portes de son appartement, pria son camerlingue, Antoine Barberin, de prendre les états comparatifs des dettes et des sommes qu’il laissait, afin de donner au sacré collège une idée précise de la position où se trouvait le trésor apostolique. Alors le pouvoir absolu des souverains, joint à l’ignorance où l’on était encore dans toute l’Europe de l’exactitude de la science financière, rendait ces formalités à peu près illusoires. Toutefois, ce simulacre d’ordre donné par les pontifes romains entretenait la tradition d’une idée salutaire que l’on ne s’est efforcé de mettre en pratique que de nos jours. Tous les comptes avaient été arrangés avec tant d’art par dona Olimpia, que, malgré les sommes immenses réunies au palais Pamphile, elle avait laissé plus d’un million au Quirinal, tandis que les dettes accusées étaient fort minimes.