Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/398

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coucher du pontife, laissant son corps presque nu sur la sangle, souillé de poussière, et couvert en partie des débris de l’alcôve fracassée.

Cet affreux désordre régna tout un jour ; il aurait peut-être duré davantage, si un maçon, employé à quelques réparations dans le palais, ne se fût avancé peu à peu jusqu’à cette chambre, après avoir traversé tous les appartements restés ouverts. Ce spectacle le toucha ; et étant allé avertir ses camarades, ces ouvriers transportèrent le corps du pontife dans une espèce de cave où ils serraient leurs outils.

Ces gens parlèrent des précautions qu’ils avaient prises, s’attendant à voir arriver la famille du pontife pour rendre les derniers honneurs à leur parent. Mais, chose horrible à dire, et si peu vraisemblable qu’on n’oserait la signaler si l’histoire ne l’attestait pas, aucun des parents d’Innocent X ne se présenta !

Lorsque enfin on conseilla à dona Olimpia de fournir la bière et le linceul pour ensevelir le pape, elle répondit : « Qu’elle était une pauvre veuve, et que ce soin ne la regardait pas. »

Cependant le maçon n’abandonna pas son mort. Trop pauvre pour se procurer de la cire, il acheta de la chandelle, qu’il plaça allumée près de la tête du pape. De temps en temps il s’agenouillait, faisait des prières, et veillait avec attention sur le corps que des rats affamés lui disputait souvent.

Cependant parmi les chanoines de la basilique de Saint-Pierre, se trouvait un certain prélat, monseigneur Segni, autrefois majordome d’Innocent. L’usage est, après la mort d’un pontife, de déposer la bière qui contient ses restes dans un sarcophage fixé au-dessus de la porte de la sacristie de Saint-Pierre de Rome. C’est là où la dépouille mortelle du dernier souverain attend pendant tout le règne de son successeur, que lui-même venant occuper à son tour le sarcophage, détermine l’époque à laquelle on place définitivement le corps de son prédécesseur dans l’église qu’il a désignée ou qu’on lui choisit.

Le clergé de Saint-Pierre s’étonnait de ne pas entendre