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parler de la translation du cercueil d’Innocent, lorsque le chanoine Segni, impatient de savoir ce qui pouvait causer ce retard, et mu d’ailleurs par l’intérêt qu’il portait à son ancien maître, quoiqu’il n’eût pas eu à s’en louer, prit le parti d’aller au Quirinal.

Ce ne fut pas sans peine qu’il parvint à découvrir le caveau où était le maçon qui gardait si soigneusement le cadavre d’Innocent. Avant de pouvoir proférer une parole, il se jeta à genoux près du corps, et pria. L’ouvrier devint tout joyeux à la vue du chanoine, ne doutant pas qu’il ne fût envoyé par la famille Pamphile, s’il n’était lui-même un des parents. Mais quelques mots d’explications dissipèrent bientôt cette illusion, et l’étrange destinée des restes d’Innocent X était fort peu changée. Sur ces entrefaites, monseigneur Scotti, également majordome du pape, et poussé par un sentiment à peu près semblable à celui qui avait fait venir le chanoine, arriva dans le caveau. Ces deux prélats étaient fort pauvres ; mais à la vue de l’état misérable où se trouvaient les restes de leur maître, ils s’entendirent pour partager les dépenses qu’occasionneraient l’achat d’une bière en bois blanc et des linceuls, ainsi que l’ensevelissement. Comme ils combinaient entre eux les moyens de réaliser leur projet le plus promptement possible, un bruit confus de voix se fit entendre, et bientôt ils virent paraître une femme soutenue et conduite par les camarades du maçon. Cette femme, pâle et d’une maigreur extrême, était vêtue de noir. Sitôt qu’entrée dans le caveau elle aperçut le corps d’Innocent X, elle se prosterna en touchant la terre de son front et resta longtemps dans cette attitude. Segni et Scotti ayant interrogé les ouvriers qui l’avaient amenée, ceux-ci ne purent donner d’autres renseignements sur elle, si ce n’est que, l’ayant rencontrée traversant en toute hâte l’une des cours du palais, elle leur avait demandé de la conduire dans le lieu où était le corps du pontife, ce qu’ils avaient cru devoir faire.

Cette femme ayant relevé sa tête, resta encore agenouillée, faisant des prières avec tant de ferveur, que rien de ce qui l’entourait ne semblait la distraire. Quand elle les eut ter-