Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/406

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qui contre son ordinaire hésita pour parler : la politique l’emportera. Mais savez-vous pourquoi ces messieurs préféreraient Sachetti à Chigi ? — Peut-être sont-ils.... — Plus libertins que les courtisanes qu’ils fréquentent, » dit Sforza tout bas à l’oreille du cardinal de Retz, avec lequel il alla rejoindre l’ambassadeur et ceux qui l’entouraient.

« Ah ! je suis charmé de vous rencontrer, dit Azzolini en prenant la main de monsieur de Retz. Je vous ai aperçu là-bas en conversation sérieuse et n’ai point voulu vous en distraire. — Est-ce que vous êtes aussi de l’escadron volant, monsieur le cardinal Azzolini ? demanda l’ambassadeur. — Oui, monsieur le duc. — Et serez-vous aussi discret que votre confrère monsieur de Retz ? Ne nous direz-vous pas qui vous portez ? — Nous n’en savons rien, excellence. — Décidément c’est une conspiration. — Je ne le nie pas ; mais nous en faisons tous ici. Vous savez sans doute la grande nouvelle ? continua Azzolini avec le même ton d’aisance : le cardinal Mazarin a envoyé à monsieur de Lyonne l’ordre d’exclure son éminence Chigi ; il ne veut décidément pas qu’il soit pape. »

L’ambassadeur d’Espagne eut quelque peine à contenir l’humeur que cette nouvelle lui causa ; cependant Azzolini, feignant de ne pas s’en apercevoir, y revint à plusieurs reprises en donnant quelques détails. « Toute la faction de France, continua-t-il en riant, était en carrosse, car vous savez qu’ils ne sont que quatre, quand M. de Lyonne fit courir après eux, pour leur donner connaissance de la lettre qu’il venait de recevoir de Paris... Le conseil s’assembla... — Eh bien ? demanda l’ambassadeur. — Leurs éminences Bichi, Grimaldi et Orsini, sous la présidence du cardinal d’Este, qui a le protectorat des affaires de France ici, ont décidé qu’ils ne formaient pas une majorité suffisante dans le sacré collège pour se permettre de prononcer l’exclusion du cardinal Chigi, désigné par le pontife défunt, et porté par un tiers au moins de ses confrères. — Ainsi c’est une affaire manquée ? » dit le duc de Terra-Nova ; et tout le monde se mit à rire. Le cardinal de Retz se montra plus gai que les autres en cette circonstance, réfléchissant que Mazarin allait