Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/407

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recevoir une mortification, et que de Lyonne, qui avait été envoyé à Rome par le ministre de France pour le poursuivre jusque dans cette ville, y serait bafoué pour avoir si mal fait les affaires dont on l’avait chargé. — Il est doublement malheureux ce pauvre de Lyonne, dit Trivulci, riant toujours ; on n’a jamais pu savoir ici sous quel titre il y était envoyé, et la seule affaire sérieuse dont on l’ait chargé, il la manque. — Dites donc qu’il est trois fois malheureux, ajouta Jean-Charles Médicis, riant encore plus fort, car sa femme lui joue ici des tours incroyables avec son secrétaire... — Oui, le petit Fouquet, reprit de Retz. C’est une histoire si divertissante que de Lyonne lui-même serait forcé d’en rire s’il la savait. — Au surplus, le conclave met tout le monde en mouvement, observa le cardinal Azzolini ; les frères, les sœurs, les neveux et nièces de cardinaux fondent sur Rome par volées. Tous y arrivent dans l’espoir, les hommes d’obtenir des dignités, des bénéfices ou de hauts emplois ; les filles se flattant toutes de prendre le titre de princesse si leur parent reçoit la tiare, et de se marier richement. On ne peut se figurer la quantité d’objets de parure que l’on fait venir en ce moment de Paris à Rome, et toutes les hôtelleries sont déjà pleines d’étrangers. »

L’heure avançait, et le cardinal Azzolini, qui avait encore des visites importantes à faire, salua l’ambassadeur et se retira. Il se rendit au palais Barberin, où l’attendaient les cardinaux François et Antoine. Ceux-ci, déjà instruits de l’exclusion demandée et refusée de Chigi, s’entretenaient sur les chances que pouvaient avoir Sachetti pour contre-balancer celles de son antagoniste. Les deux frères, dont les intérêts étaient identiquement les mêmes, s’étaient communiqué leurs avis sans réserve, et quoique le cardinal François ne regardât pas sa propre élection par le conclave comme un événement absolument impossible, cependant il engageait bien son frère à ne rien tenter d’avance pour la préparer ; lui faisant reconnaître que s’il y avait quelque chance pour lui, elle ne se présenterait que dans le cas que Sachetti ou Chigi, ne pouvant décidément l’emporter l’un sur l’autre, de guerre lasse, on se reporterait sur un troisième candidat.