Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/418

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ser qu’il les aiderait pour rentrer en grâce auprès de sa majesté catholique ; mais au fond, leur véritable estime est pour vous ; ils savent très-bien que l’Espagne met une confiance entière en vos vertus ; ils ne doutent pas que vous seriez pour toute la famille des Barberins, et il insista sur ces mots, juste, bienveillant, indulgent même s’il était nécessaire ; et quant à la comparaison qu’il peuvent faire entre vous et le cardinal Sachetti, bien que cette éminence l’emporte effectivement sur beaucoup d’autres par sa piété et ses talents, tout le monde reconnaît ouvertement la supériorité que vous avez sur lui... — Mon frère, mon frère, interrompit Chigi en se cachant le visage avec ses mains, cessez de tenir un tel langage ! — Et pourquoi ? demanda Azzolini avec un calme que tout le monde aurait pris pour de la candeur ; suis-je coupable en répétant ce que j’entends dire à chacun ? Me ferez-vous un crime de vous apprendre que les gens sages et désintéressés se plaisent à répéter que vous êtes le seul homme qui puisse rétablir sur des fondements solides le gouvernement des choses spirituelles et temporelles ? Puisque le ciel vous a accordé une supériorité à laquelle tout le monde rend hommage, il y aurait de la faiblesse à vous à ne pas accepter courageusement le fardeau que cela vous impose de porter. »

Tandis qu’Azzolini faisait ces ouvertures, non sans quelque succès, les cardinaux de la faction espagnole, réunis auprès de Jean-Charles de Médicis, traitaient une question qui n’y était pas étrangère. Ces éminences s’accordaient parfaitement entre elles pour l’exclusion de Sachetti, dévoué à la France et au cardinal Mazarin ; mais il s’en fallait bien qu’il s’entendissent également sur le sujet a élire. Toutes leurs voix se dispersaient à chaque scrutin, sans que Palotta, Maculano et quelques autres que l’on avait mis en avant, eussent jamais obtenu assez de voix pour que leur élection devînt probable. « Nous n’en finirons jamais, répétaient Jean-Charles, Trivulci, Colonna et les chefs de cette faction, tant que nous ne nous accorderons pas d’avance sur quelqu’un. — Et comme vous en pouvez juger par ce qui vient d’avoir lieu, ajouta le cardinal de Lugo, qui était