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lié d’amitié avec Chigi, vous risquez de faire pencher la balance en faveur de Sachetti et même de Barberin. — Moi, je pencherais assez pour le cardinal Maculano, dit Cesi ; c’est un homme juste, et qui n’entrerait dans aucune intrigue. — C’est vrai, interrompit le cardinal Colonna ; mais il ne saurait pas non plus les déjouer. Il est trop étranger aux affaires temporelles. — Et vous pouvez être certains, ajouta son éminence de Lugo, que s’il était élu, ces messieurs de la compagnie de Jésus nous donneraient du fil à retordre pendant tout son règne. Oh ! prenons-y garde, ne nous mettons pas mal avec eux ! il faut tâcher de trouver quelqu’un qui ne soit pas leur ennemi, et cependant qui les maintienne. Or, je ne connais qu’un homme qui puisse remplir ces conditions. »

Comme on savait les relations d’amitié qui régnaient entre de Lugo et Chigi, tout le monde comprit de qui il s’agissait, et personne ne fit d’objection. Aussi fut-il facile de s’apercevoir que cette désignation avait produit de l’effet sur les membres de la faction espagnole. Mais, indépendamment de toutes les cabales du conclave que l’on connaît déjà, il y avait encore un parti peu nombreux, mais dont le projet était très-fixe ; c’était celui des cardinaux Cibo, Aldobrandini, Odescalchi, Rondinino, Vidman et Donghi, auquel on ne tarda pas à donner le titre de petit escadron, lorsqu’il eut fait connaître ses intentions.

Ces six cardinaux, liés intimement avec dom Pamphile et sa femme, la princesse de Rossano, avaient formé, avant l’ouverture du conclave, une ligue en faveur de Chigi. La jeune princesse, à qui la tyrannie de sa belle-mère avait toujours été insupportable, n’avait pas cessé, depuis l’élévation de Chigi à la secrétairerie d’état et au cardinalat, de témoigner à cet homme une confiance qui plus d’une fois lui avait été utile à se maintenir en faveur auprès d’Innocent X, lorsque dona Olimpia s’efforçait de lui nuire. Depuis la mort du pontife, la princesse, quoique très-attentive, ainsi que tout le reste de sa famille, à préparer pour le règne futur tous les moyens de conserver leurs grandes richesses, et celles même que dona Olimpia avait amassées, n’était