Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/432

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le lendemain de son élection, a été obligé de rebrousser chemin par ordre exprès du nouveau pontife. Tous ses neveux, et il en a six, sont également consignés à Sienne. Oh ! cette fois nous avons un grand pape ! » À ces bruits, à ces nouvelles, auxquelles chacun prêtait fine oreille attentive, les louanges d’Alexandre allaient toujours en croissant ; mais ce qui émerveillait surtout la populace, était l’humilité de ce pontife, qui ne voulait qu’un cercueil pour lui, et se proposait de rendre les cérémonies publiques si brillantes. Lazzagna était devenu une autorité ; on voulait le voir, lui parler ; tout le monde assiégeait sa boutique, et il n’était plus question dans Rome que de la bière que le pape avait près de son lit, des belles mules qu’il chausserait le jour de la prise de possession, et de la honteuse retraite de dona Olimpia.

Jusque-là l’enivrement causé par les vertus que l’on attribuait au pape avait tellement préoccupé jusqu’aux personnes de haut rang, que la vengeance que les victimes de dona Olimpia se proposaient de tirer d’elle était restée momentanément assoupie. Mais dès que la nouvelle du refus du pape se fut envenimée en passant à travers les bavardages de carrefour, il s’éleva bientôt un concert de voix qui toutes retentirent aux oreilles des cardinaux et du pontife, et demandèrent que l’on fît justice des crimes qu’avait commis la princesse de Saint-Martin. Alexandre lui-même, qui n’avait peut-être voulu montrer qu’un simulacre de sévérité, fut effrayé du nombre des plaintes et de la violence des accusations portées contre la belle-sœur d’Innocent X. Partagé entre le désir de se montrer juste aux yeux du peuple, tout en ayant pour la famille d’Olimpia les ménagements dont les Barberins avaient eu l’adresse de lui faire une condition pendant la tenue du conclave, il sentit aussitôt combien cette affaire était grave et avec quelle prudence il fallait la traiter.

Quant à dona Olimpia, atterrée par la manière dont elle avait été éconduite du palais pontifical, elle gardait le lit depuis le saisissement qui s’était emparé d’elle à la suite de cette humiliation. La seule personne de sa famille dont elle reçut les soins et avec qui elle voulut converser, était le