Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/435

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pour elle la faveur de venir saluer sa sainteté. « Mon frère, répondit Alexandre sans témoigner aucun genre d’émotion à cette requête, je sais les liens qui unissent la famille Pamphile à celle des Barberins. Je n’oublierai pas non plus l’opinion trop flatteuse que vous et vos parents avez conçue de moi. J’aurais donc tort de blâmer dans les autres un sentiment de reconnaissance que j’éprouve moi-même. Mais vous avez été si longtemps près du trône, vous avez même si longtemps partagé les devoirs du souverain, que vous ne pouvez avoir oublié les chagrins qui y sont attachés. Il se passe peu de jours sans que le chef de l’état ne soit obligé de faire taire en lui l’homme. C’est ce qui m’arrive aujourd’hui ; je voudrais vous être agréable et ne le puis pas. — Mais, saint-père, si vous jugez devoir user de rigueur envers la princesse de Saint-Martin, ne pourrait-on pas faire valoir en sa faveur l’intérêt des princes et princesses de sa famille ? Ne craignez-vous pas que la sévérité que vous montrerez à l’égard de la mère ne devienne une injustice, et, j’oserai le dire, une cruauté envers les enfants ? — Vous savez très-bien, mon cher monsieur Barberin, que je n’ai l’intention d’être injuste ni cruel envers la famille Pamphile et la vôtre, répondit le pape en souriant ; mais pour acquérir le droit d’exercer cette indulgence, peut-être serait-il bien d’être sévère à l’égard de quelqu’un. Je vous avouerai confidentiellement que je suis fort tourmenté de la gravité des charges qui s’élèvent de tous côtés contre dona Olimpia, et vous seriez effrayé si vous voyiez le nombre des requêtes qui nous ont été envoyées de toutes les parties de l’Italie pour répéter les sommes immenses que cette femme a extorquées. Depuis les plus humbles ecclésiastiques jusqu’aux membres du sacré collège et aux princes, il n’est personne que cette femme n’ait rançonné d’une manière odieuse. Il y a cent affaires ici dont la moindre pourrait donner lieu à un procès capital. » En s’exprimant ainsi, le pape indiquait du doigt une masse énorme de dossiers vers lesquels il entraîna le cardinal Antoine. « Tenez, ajouta-t-il, venez voir : d’autant mieux que je pourrai profiter en cette occasion de vos lumières et de votre longue expérience. Voici par exemple les