Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/459

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quelque insignifiant, quelque ennuyeux même qu’ait pu paraître M. de Beauvoir, on ne peut l’oublier, car ce fut un homme dont l’âme était pure comme le diamant. Outre sa candeur et sa probité, qui ont pu nuire à l’effet dramatique de son personnage, il a encore eu le désavantage de faire son apparition à travers un voile mystérieux qui aura monté l’imagination des lecteurs trop amoureux du romanesque. On s’attendait à voir le jeune Français mêlé aux intrigues de la cour de Rome et jouant un rôle important dans cette ville. Il en fut tout autrement ; et fort heureusement pour lui, au moins, les Azzolini, les Gualtieri, les Rasponi, les Mascambruno et les Olimpia lui inspirèrent une horreur invincible qui le tint toujours écarté du monde et le fit prendre par tous les habiles du temps pour un niais. Or il est bon que l’on sache comment notre jeune Français, à qui ce reproche ne convenait nullement, se l’était cependant attiré.

On n’a point oublié le motif de son départ pour l’Italie, non plus que les détails de son voyage avec l’abbé Segni, qui, outre les dépêches qu’il devait porter à Rome, avait été chargé par le cardinal Mazarin de passer par Genève pour prendre le collier destiné à dona Olimpia, en remercîment de l’élévation de son frère au cardinalat.

Tous deux, l’abbé Segni et M. de Beauvoir, ainsi que le joaillier de Genève, étaient signalés d’avance sur la route et à Rome, en sorte que les trois voyageurs s’étant trouvés de connaissance à leur insu, furent accueillis à la porte du Peuple par quelqu’un chargé de conduire chacun d’eux à sa destination marquée dans la ville. Mascambruno s’empara du Genevois, comme on l’a vu ; l’abbé Segni fut dirigé vers le secrétaire d’état Pancirole, et l’ambassadeur de France donna des ordres pour que l’on amenât le jeune de Beauvoir chez lui. L’instruction classique de notre Français avait été plus que négligée, comme on doit s’en souvenir ; aussi, loin de se sentir l’imagination exaltée à la vue de la ville éternelle, y entra-t-il au contraire le cœur plein de tristesse. Étourdi de tout ce que son compagnon lui avait dit et fait voir en route, et le corps rompu par la fatigue, son cerveau devint en quelque sorte inerte par suite du bourdonnement