Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/460

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continuel d’un langage qu’il ne comprenait pas depuis son entrée en Italie. Pour surcroît de malheur, et par un malentendu qui avait eu lieu au palais de l’ambassadeur de France, on avait envoyé à sa rencontre des domestiques napolitains. Ainsi isolé, un découragement douloureux s’empara alors de M. de Beauvoir, et à la vue des vieux monuments de Rome, noircis par les incendies et le temps, son cœur se serra. Les taillis de son Poitou se représentèrent à sa mémoire, il pensa à la ferme de son père, sans doute aussi à celle qu’il y avait laissée, et peu s’en fallut qu’il ne versât quelques larmes.

À la chancellerie de France, son rôle n’eut rien d’éblouissant ; étranger aux affaires, ne se livrant au travail de cabinet qu’à contre-cœur, désagréablement surpris de tout ce qu’il eut l’occasion de voir dans le monde, indigné continuellement de l’assurance et des habitudes éhontées de gens dont il connaissait les instincts rapaces et la conduite criminelle, il ne prit cœur à rien dans la ville de Rome, ne fit aucun progrès dans la carrière où le hasard l’avait jeté, et finit par nourrir un désir continuel de quitter l’Italie. La seule personne qui, pendant son séjour à Rome, suspendit parfois cette intention, fut madame de Rossano. Cette jeune princesse, à qui les inclinations honnêtes et la timidité du jeune Français n’avaient point échappé, non-seulement l’attirait chez elle, mais ne cessait de l’engager à se familiariser avec la langue du pays, afin d’y vivre plus agréablement pour lui et pour les autres. toutes les recommandations de la jeune dame romaine à ce sujet ne purent triompher de la paresse naturelle à M. de Beauvoir, qui, s’étant aperçu que l’intérêt dont il avait été l’objet diminuait à mesure qu’il négligeait plus les conseils de madame de Rossano, finit par se résigner comme toutes les âmes nobles, mais trop fières ; il discontinua peu à peu de fréquenter le palais de celle qui voulait lui servir de protectrice, et cessa enfin de se présenter chez elle.

Dans son isolement, il en fut réduit à partager avec ses jeunes compatriotes attachés à l’ambassade, les instants de récréations bruyantes dérobés aux devoirs de leurs fonctions ; car sa seule distraction n’était plus que de parler