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rait à traîner cette expédition en longueur, ils se décidèrent à donner l’assaut. Malgré la résistance longue et terrible de la garnison, l’armée d’Espagne prit la ville, et les Français se retirèrent dans la citadelle, où ils firent quelque temps résistance. Mais ayant bientôt perdu tout espoir d’être secourus, ils rendirent le fort aux Espagnols, sous les conditions les plus honorables.

Cette première place reprise, et après avoir reçu des renforts, l’armée espagnole fut transportée à l’île d’Elbe, et se mit en devoir de faire le siège de Porto-Longone. Là, les chefs de l’expédition trouvèrent des fortifications bien autrement difficiles à aborder et à détruire qu’ils ne s’y étaient attendus. En effet, il ne fallut pas moins de trois mois pour réduire cette place. Les troupes assiégeantes, sous le commandement du comte d’Ognates, firent des pertes énormes, et surtout le corps de Napolitains qui avait été adjoint à cette expédition. On dit alors que le comte d’Ognates, vice-roi de Naples, pour se venger de la noblesse de ce pays qui avait pris part à la révolution de Mazaniello, en emmena la fleur avec lui, et l’exposa constamment au feu de l’ennemi. Quoi qu’il en soit, l’armée d’Espagne, affaiblie par ses pertes, aurait été obligée de lever le siège si la désobéissance et les révoltes de la garnison de Porto-Longone n’eussent pas forcé le gouverneur de cette place à se rendre, après trois mois d’une défense héroïque.

Trois mois s’étaient donc écoulés, pendant lesquels M. de Beauvoir avait eu le temps et toutes les occasions favorables de devenir l’officier le plus habile et le plus brave de la garnison, lorsqu’il arriva que les troupes, fatiguées par les longs travaux de la défense et par la réduction journalière des vivres, refusèrent d’abord de faire une partie du service qui leur était commandé, désobéirent aux officiers, et allèrent même jusqu’à menacer leurs jours si on ne capitulait pas. Enfin, ils poussèrent l’oubli de leur devoir au point de se présenter au logement même du gouverneur, avec l’intention de le forcer à rendre la place. Entraînés par quelques mauvais sujets qui marchaient toujours les premiers à la révolte et les derniers au combat, un assez bon nombre de