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soldats allèrent sous les fenêtres de M. de Noailles, en criant qu’il fallait se rendre, et joignant les menaces à ces cris. Cette visite avait été tellement imprévue, et elle portait un caractère de violence telle, que la plupart des officiers qui entouraient le commandant, cédant à la crainte, paraissaient déjà disposés, à en juger au moins par leur silence et la pâleur de leurs traits, à se soumettre aux injonctions de la soldatesque. Quant à M. de Noailles, ne perdant rien de sa présence d’esprit, et résolu à se laisser mettre en pièces plutôt que de faiblir, il promena silencieusement son regard sur ceux qui étaient près de lui, pour s’assurer de la confiance qu’il devait mettre en eux ; mais il ne rencontra que les yeux du jeune de Beauvoir qui ne fussent pas baissés. Le coup d’œil qu’ils échangèrent fit jaillir un éclair qui pénétra leur âme de la même manière ; et sans prévoir quelle serait l’issue de la révolte, le commandant sentit qu’il pouvait compter sur le jeune officier, comme celui-ci éprouva un redoublement de confiance en lui-même, dont il voulut aussitôt profiter pour arrêter les mutins. « Monsieur le commandant, dit de Beauvoir, trouvez-vous bon que j’aille parler aux soldats ? — J’allais vous en prier, » répondit M. de Noailles en souriant affectueusement au jeune homme.

Ce peu de paroles rendit à tous les officiers qui étaient présents le calme dont ils avaient manqué un instant, et M. de Beauvoir, descendant l’escalier, alla seul ouvrir la porte d’entrée, et se présenta aux révoltés en promenant ses regards sur eux. Ceux-ci, maintenus d’abord par la présence d’un homme que sa justice et sa bravoure avaient fait aimer de tous, reculèrent peu à peu en formant un demi-cercle, que M. de Beauvoir faisait élargir à mesure qu’il avançait. Aux cris succéda le silence que le jeune officier avait observé jusque-là lui-même, lorsqu’un des révoltés voulut prendre la parole. « Tais-toi, interrompit de Beauvoir ; tu as fui lâchement à la dernière sortie. Tu n’as pas le droit de parler... Mais vous, ajouta-t-il en s’adressant à deux ou trois soldats qui en effet avaient plusieurs fois combattu vaillamment à ses côtés, c’est à vous de parler. Que voulez-vous ? que demandez-vous ? — La capitulation ! la capitulation ! »