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crièrent confusément toutes les voix. Avec un regard ferme et sévère, de Beauvoir rétablit encore l’ordre et le silence. « Allons, Pierre de Cussac, dit-il à l’un de ceux qu’il avait reconnus pour les meilleurs sujets, explique-toi, et dis-nous ce que vous voulez tous ; parle. » Pierre, qui sentit l’importance que venait de lui donner le jeune officier en signalant sa bravoure et en le faisant l’interprète des révoltés, se tira assez heureusement du rôle difficile qu’il avait à jouer. Il fit un tableau, qui n’était que trop vrai, des fatigues et des privations éprouvées par les soldats depuis trois mois, et termina sa requête en disant, mais en termes modérés et respectueux, « que ses camarades, ainsi que lui, croyaient que l’honneur de la garnison étant à l’abri de tout reproche après une défense si opiniâtre et si longue, on pouvait demander à capituler. Les autres soldats voulurent appuyer ce qui venait d’être dit par de nouvelles rumeurs ; mais Pierre de Cussac les arrêta à son tour, et leur imposa silence pour écouter M. de Beauvoir, qui s’apprêtait à parler. « Je vais rendre compte à monsieur le commandant, dit celui-ci, de ce qui vient de se passer, et je vous ferai connaître sa réponse ; car je suis comme vous ; je ne dois qu’obéir. Pierre de Cussac, ajouta-t-il, je vous charge de maintenir l’ordre ici en mon absence, entendez-vous ? »

Après cette courte allocution, M. de Beauvoir rentra chez le commandant, à qui il rapporta fidèlement ce qui avait eu lieu. Entouré de ses officiers, M. de Noailles tint une espèce de conseil où il fut convenu : qu’après la résistance qui avait été faite, et en raison du peu de vivres et de munitions qui restaient, la capitulation devenait effectivement indispensable ; mais que, pour l’obtenir plus honorable, et surtout ne pas céder lâchement aux menaces des soldats mutinés, il fallait faire encore bonne contenance pendant quelques jours. Cette résolution arrêtée, M. de Noailles prit M. de Beauvoir en particulier, et lui donna des ordres que le jeune officier s’empressa de mettre tout aussitôt à exécution. En effet, étant descendu de nouveau vers les soldats, qui l’attendaient avec anxiété, il leur dit sans préambule : « Le commandant connaît tous les soldats de la garnison dont le zèle, l’activité