Page:Delécluze - Romans, contes et nouvelles, 1843.djvu/476

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et la bravoure ne se sont jamais démentis, et il compte sur eux aujourd’hui comme avant. Oui, il faudra capituler..... Silence ! s’écria d’une voix forte M. de Beauvoir, qui s’aperçut que les plus mutins n’avaient pas renoncé à leurs projets ; mais, ajouta-t-il avec l’accent le plus ferme, pour que cette capitulation soit honorable, il ne faut la demander qu’après un dernier effort de courage.» Ces mots ayant excité vivement la curiosité, le silence le plus absolu s’établit, et M. de Beauvoir continua : « Monsieur le commandant me charge de prévenir la garnison qu’à compter de ce moment tous ceux qui persisteraient à demander insolemment la capitulation, sont exclus de tout service militaire et tenus de remettre leurs armes. Quant au grand nombre des troupes fidèles aux lois de la discipline et de l’honneur, on compte sur elles au point du jour. » Après avoir cessé de parler, M. de Beauvoir s’approcha amicalement de Pierre de Cussac et de plusieurs autres soldats qui avaient été momentanément entraînés par le mauvais exemple, et après les avoir engagés à faire connaître à leurs camarades ce qui s’était passé, il les exhorta de nouveau à se tenir prêts le lendemain pour une sortie que l’on méditait.

À l’exception de quelques misérables inaccessibles à toute honte, le reste des soldats mutinés inventa mille excuses pour qu’on leur laissât leurs armes et qu’on les fît rentrer dans les rangs. À peine une heure s’était-elle écoulée qu’à voir l’enthousiasme qui s’était emparé de nouveau de la garnison, on n’aurait jamais pu croire qu’en effet cette troupe avait supporté pendant trois mois les fatigues les plus rudes, ni qu’elle ait eu l’idée de se révolter.

La nuit fut employée aux préparatifs de la sortie, et M. de Beauvoir, devenu l’âme de la garnison en quelque sorte, et chargé de l’expédition du lendemain par le commandant, mit tout en œuvre pour qu’elle fût conduite avec autant de prudence que d’énergie.

Hélas ! ce brave jeune homme qui préparait avec tant de zèle les moyens de faire obtenir une capitulation honorable pour son commandant, et par conséquent pour la France, ne devait pas être témoin du résultat de sa courageuse con-