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duite. Avant l’aube du jour suivant, un fort détachement de la garnison, dont il commandait une partie, sortit de Porto-Longone et tomba tout à coup sur l’armée espagnole, mal sur ses gardes, dans la persuasion où étaient ses chefs que les assiégés avaient été mis hors de combat par la famine. Les Français firent pendant une heure un véritable carnage des assiégeants. Mais dès que le grand jour fut venu, M. de Beauvoir, pensant que la lutte deviendrait inégale sitôt que les différents corps de l’ennemi se seraient portés vers le lieu du combat, fit reprendre l’ordre aux troupes afin de combattre en faisant retraite vers Porto-Longone. Tout ce mouvement fut dirigé avec tant de sang-froid et d’habileté par le jeune officier, qu’il ne perdit presque pas de monde tout en faisant éprouver des pertes considérables à l’ennemi. Mais ce qu’il avait prévu arriva, et comme les derniers détachements de sa troupe rentraient dans la ville, un corps considérable de Napolitains accourut en toute hâte pour gêner par leur attaque cette manœuvre déjà difficile à opérer en elle-même. Mais ce fut aussi le moment où l’infortuné de Beauvoir déploya une nouvelle énergie. Opposant sa mousqueterie à celle des assiégeants, il resta constamment immobile et veillant à entretenir l’activité du feu de sa troupe, jusqu’à ce que tout son monde fût rentré. Enfin, comme il ordonnait à ses six derniers hommes de rentrer pour les suivre, une décharge mieux dirigée par les Napolitains, délivrés tout à coup de la mousqueterie des Français, cribla de balles la poitrine du jeune de Beauvoir. Il tomba mort sur la place, et peu s’en fallut que son corps ne restât au pouvoir de l’ennemi ; mais ses soldats se précipitèrent hors de la porte pour le garantir et l’enlever. Il ne tint à rien qu’un nouveau combat, qui eût été fatal aux Français, ne s’engageât encore ; heureusement que M. de Noailles, qui, du haut des murs de la place, avait observé toute l’expédition, eut l’idée de faire tirer quelques coups de canon avec le peu de munitions qui restaient. Cette dernière ressource, qui fit croire aux assiégeants que les Français étaient encore mieux approvisionnés qu’on ne l’avait cru, les rendit plus prudents, et ils quittèrent les murs de la ville, s’apercevant,