Page:Delarue-Madrus - La Figure de proue.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
Au port


Dans les coins, se mêlant aux pailles des fumiers,
La charrue et la faulx et la herse et l’échelle
Luisaient ; et l’on voyait les pommes aux pommiers,
Et les vaches porter leur quadruple mamelle.

Le pigeonnier vétuste était comme une tour
Au milieu de la grasse et luisante volaille,
Et le chien noir dormait, arrondi dans sa paille,
En attendant le soir où tous sont de retour.

Ainsi, derrière ces carreaux voilés de vignes,
Avaient ici vécu, du maître aux serviteurs,
Des générations travailleuses et dignes,
Cette ferme battait du coup rude des cœurs.

Dans le son enroué d’une lointaine cloche,
Le seizième siècle avec l’heure y sonnait,
Bénissant cette vie active et sans reproche
Que depuis bien des temps tout le monde connaît ;

Et ma race étant là tout entière, chez elle.
Moi, dans l’ombre et dans l’or du chaume doux et haut,
Je me sentais pelotonnée et l’âme au chaud,
Comme un poussin heureux qu’on a remis sous l’aile.


— 273 —