Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/108

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Mais il quitta trop peu sa retraite profonde :
Des bosquets de Monbar Buffon jugeoit le monde ;
A des yeux étrangers se confiant en vain,
Il vit peu par lui-même, et, tel qu’un souverain,
De loin et sur la foi d’une vaine peinture
Par ses ambassadeurs courtisa la nature.
O ma chère patrie ! ô champs délicieux
Où les fastes du temps frappent partout les yeux !
Oh ! S’il eût parcouru cette belle Limagne,
Qu’il eût joui de voir dans la même campagne
Trois âges de volcans que distinguent entr’eux
Leurs courans, leurs foyers, et des siècles nombreux !
La mer couvrit les uns par des couches profondes,
D’autres ont recouvert le vieux séjour des ondes.
L’un d’une côte à l’autre étendit ses torrens ;
L’autre en fleuve de feu versa ses flots errans
Dans ces fonds qu’a creusés la longue main des âges.
En voyant du passé ces sublimes images,
Ces grands foyers éteints dans des siècles divers,
Des mers sur des volcans, des volcans sur des mers,
Vers l’antique chaos notre ame est repoussée,
Et des âges sans fin pèsent sur la pensée.
Mais sans quitter vos monts et vos vallons chéris,
Voyez d’un marbre usé le plus mince débris :
Quel riche monument ! De quelle grande histoire
Ses révolutions conservent la mémoire !