Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/109

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Composé des dépôts de l’empire animé,
Par la destruction ce marbre fut formé.
Pour créer les débris dont les eaux le pétrirent,
De générations quelles foules périrent !
Combien de temps sur lui l’océan a coulé !
Que de temps dans leur sein les vagues l’ont roulé !
En descendant des monts dans ses profonds abymes,
L’océan autrefois le laissa sur leurs cimes ;
L’orage dans les mers de nouveau le porta ;
De nouveau sur ses bords la mer le rejeta,
Le reprit, le rendit : ainsi, rongé par l’âge,
Il endura les vents et les flots et l’orage.
Enfin, de ces grands monts humble contemporain,
Ce marbre fut un roc, ce roc n’est plus qu’un grain ;
Mais, fils du temps, de l’air, de la terre et de l’onde,
L’histoire de ce grain est l’histoire du monde.
Et quelle source encor d’études, de plaisirs,
Va de pensers sans nombre occuper vos loisirs,
Si la mer elle-même et ses vastes domaines
Vous offrent de plus près leurs riches phénomènes !
O mer, terrible mer, quel homme à ton aspect
Ne se sent pas saisi de crainte et de respect !
De quelle impression tu frappas mon enfance !
Mais alors je ne vis que ton espace immense :
Combien l’homme et ses arts t’agrandissent encor !
Là le génie humain prit son plus noble essor.