Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/110

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Tous ces nombreux vaisseaux suspendus sur ses ondes
Sont le nœud des états, les courriers des deux mondes.
Comme elle à son aspect vos pensers sont profonds.
Tantôt vous demandez à ces gouffres sans fonds
Les débris disparus des nations guerrières,
Leur or, leurs bataillons et leurs flottes entières :
Tantôt, avec Linnée enfoncé sous les eaux,
Vous cherchez ces forêts de fucus, de roseaux,
De la flore des mers invisible héritage,
Qui ne viennent à nous qu’apportés par l’orage ;
Eponges, polypiers, madrépores, coraux,
Des insectes des mers miraculeux travaux.
Que de fleuves obscurs y dérobent leur source !
Que de fleuves fameux y terminent leur course !
Tantôt avec effroi vous y suivez de l’œil
Ces monstres qui de loin semblent un vaste écueil.
Souvent avec Buffon vos yeux y viennent lire
Les révolutions de ce bruyant empire,
Ses courans, ses reflux, ces grands événemens
Qui de l’axe incliné suivent les mouvemens ;
Tous ces volcans éteints, qui du sein de la terre
Jadis alloient aux cieux défier le tonnerre ;
Ceux dont le foyer brûle au sein des flots amers,
Ceux dont la voûte ardente est la base des mers,
Et qui peut-être un jour sur les eaux écumantes
Vomiront des rochers et des îles fumantes.