Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/111

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Peindrai-je ces vieux caps, sur les ondes pendans ;
Ces golfes qu’à leur tour rongent les flots grondans ;
Ces monts ensevelis sous ces voûtes obscures,
Les Alpes d’autrefois et les Alpes futures ;
Tandis que ces vallons, ces monts que voit le jour,
Dans les profondes eaux vont rentrer à leur tour ?
Echanges éternels de la terre et de l’onde,
Qui semblent lentement se disputer le monde !
Ainsi l’ancre s’attache où paissoient les troupeaux ;
Ainsi roulent des chars où voguoient des vaisseaux !
Et le monde, vieilli par la mer qui voyage,
Dans l’abyme des temps s’en va cacher son âge.
Après les vastes mers et leurs mouvans tableaux,
Vous aimerez à voir les fleuves, les ruisseaux ;
Non point ceux qu’ont chantés tous ces rimeurs si fades
De qui les vers usés ont vieilli leurs nayades,
Mais ceux de qui les eaux présentent à vos yeux
Des effets nobles, grands, rares ou curieux.
Tantôt dans son berceau vous recherchez leur source ;
Tantôt dans ses replis vous observez leur course,
Comme, d’un bord à l’autre errans en longs détours,
D’angles creux ou saillans chacun marque son cours.
Dirai-je ces ruisseaux, ces sources, ces fontaines,
Qui de nos corps souffrans adoucissent les peines ?
Là, de votre canton doux et tristes tableaux,
La joie et la douleur, les plaisirs et les maux,