Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/42

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Ce sont les vrais plaisirs, les vrais biens que je chante.
Mais peu savent goûter leur volupté touchante :
Pour les bien savourer, c’est trop peu que des sens ;
Il faut une ame pure et des goûts innocens.
Toutefois n’allons pas, déclamateurs stériles,
Affliger de conseils tristement inutiles
Nos riches d’autrefois, nos pauvres Lucullus,
Errans sur les débris d’un luxe qui n’est plus :
On a trop parmi nous réformé l’opulence !
Mais je ne parle pas seulement à la France ;
Ainsi que tous les temps, j’embrasse tous les lieux.
O vous qui dans les champs prétendez vivre heureux,
N’offrez qu’un encens pur aux déités champêtres.
Héritier corrompu de ses simples ancêtres,
Ce riche qui, d’avance usant tous ses plaisirs,
Ainsi que son argent tourmente ses désirs,
S’écrie à son lever : « Que la ville m’ennuie !
Volons aux champs ; c’est là qu’on jouit de la vie,
Qu’on est heureux. » Il part, vole, arrive ; l’ennui
Le reçoit à la grille, et se traîne avec lui.
A peine il a de l’œil parcouru son parterre,
Et son nouveau kiosk, et sa nouvelle serre ;
Les relais sont mandés : lassé de son château,
Il part, et court bâiller à l’opéra nouveau.
Ainsi, changeant toujours de dégoûts et d’asile,
Il accuse les champs, il accuse la ville ;