Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tantôt Robert arrive, et ses riches images
Doublent, en les peignant, vos plus beaux paysages ;
Et tantôt son pinceau, dans de plus doux portraits,
De ceux que vous aimez vous reproduit les traits.
Ainsi, plein des objets que votre cœur adore,
De vos amis absens vous jouissez encore.
Ces lieux, chers aux vivans, sont aussi chers aux morts.
Qui vous empêchera de placer sur ces bords,
Près d’un ruisseau plaintif, sous un saule qui pleure,
D’un ami regretté la dernière demeure ?
Est-il un lieu plus propre à ce doux monument,
Où des mânes chéris dorment plus mollement ?
Du bon helvétien qui ne connoît l’usage ?
Près d’une eau murmurante, au fond d’un vert bocage,
Il place les tombeaux ; il les couvre de fleurs :
Par leur douce culture il charme ses douleurs,
Et pense respirer, quand sa main les arrose,
L’ame de son ami dans l’odeur d’une rose.
Ne pouvez-vous encore y consacrer les traits
De ceux par qui fleurit l’art fécond de Cerès ?
Pouvez-vous à Berghem refuser un asile,
Un marbre à Théocrite, un bosquet à Virgile ?
Hélas ! Je n’ai point droit d’avoir place auprès d’eux ;
Mais si de l’art des vers quelque ami généreux
Daigne un jour m’accorder de modestes hommages,
Ah ! Qu’il ne place pas le chantre des bocages