Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/59

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Dans le fracas des cours ou le bruit des cités.
Vallons que j’ai chéris, coteaux que j’ai chantés,
Souffrez que parmi vous ce monument repose ;
Qu’un peuplier le couvre et qu’un ruisseau l’arrose !
Mes vœux sont exaucés : du sein de leur repos
Un essaim glorieux de belles, de héros,
Qui, successeurs polis des sarmates sauvages,
De l’antique Vistule honorent les rivages,
Auprès de Saint-Lambert, de Pope, de Thompson,
Offre dans ses jardins une place à mon nom.
Que dis-je ? Tant d’honneur n’est pas fait pour ma muse ;
La gloire de ces noms du mien seroit confuse.
Mais, si dans un bosquet obscur et retiré
Il est un coin désert, un réduit ignoré,
Au-dessous de Gessner, et bien loin de Virgile,
Hôtes de ces beaux lieux, gardez-moi cet asile.
Content, je vous verrai, dans vos rians vallons,
De l’art que je chantai pratiquer les leçons,
Enrichir vos hameaux, parer leur solitude,
Des partis turbulens calmer l’inquiétude.
Heureux si quelquefois, sous vos ombrages verts,
L’écho redit mon nom, mon hommage et mes vers !
Mais, ne l’oublions pas, à la ville, au village,
Le bonheur le plus doux est celui qu’on partage.
Heureux ou malheureux, l’homme a besoin d’autrui ;
Il ne vit qu’à moitié, s’il ne vit que pour lui.