Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/95

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Telle, comme une fleur jetée au sein de l’onde,
Callimaque nous peint cette île vagabonde,
L’asile de Latone et le berceau des dieux.
Du hasard et des flots travail capricieux,
Celle que je décris, des racines sauvages,
Des mousses, des rameaux enlacés par les âges,
Se forma lentement. Des feuillages flétris
L’enrichissent encor de leurs féconds débris,
Et les caps avancés, à qui l’eau fait la guerre,
De leur lente ruine avoient accru sa terre.
Autour d’elle flottoient des saules, des roseaux.
Là n’étoient point nourris de superbes troupeaux,
La génisse féconde et la brebis bêlante.
Quelques chevreaux épars, famille pétulante,
Sous les lois d’Égérie erroient seuls en ce lieu :
C’étoit peu ; mais le pauvre est riche de si peu !
Souvent en l’embrassant son respectable père
Lui disoit : ô ma fille, image de ta mère !
Mon cœur se l’est promis : cette île que tu vois,
C’est ta dot ; ces chevreaux et ce pré sont à toi.
Maître, au bord opposé, d’un bois, d’une prairie,
Dolon depuis long-temps adoroit Égérie.
Trop heureux si, troublant un bonheur aussi doux,
Son père n’eût déjà fait choix d’un autre époux !
Toutefois de l’amour l’adresse industrieuse
À les dédommager étoit ingénieuse.