Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/97

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La nymphe refusoit les farouches hommages
D’un dieu dont les soupirs ressemblent aux orages :
L’amant le plus bruyant n’est pas le plus aimé.
L’amour vole à ce dieu par lui-même enflammé.
Éole ! écoute-moi, lui dit-il. Égérie
Du sensible Dolon dès long-temps est chérie ;
Son père la destine aux vœux d’un autre amant :
Seconde mes désirs pour ce couple charmant.
Que l’île d’Égérie, au gré de la tempête,
Vers les champs de Dolon vogue, aborde, et s’arrête ;
Qu’alors tous deux unis ils se donnent leur foi :
Je le jure, à ce prix Doris vivra pour toi.
Mais ne l’entraîne point dans ta cour turbulente,
Permets-lui d’habiter dans sa grotte charmante ;
Ecarte de ses bords l’aquilon furieux,
Et que les seuls zéphirs soupirent dans ces lieux !
L’amour le veut ainsi ! Le dieu parle et s’envole.
L’espoir d’un prix si doux flatte le cœur d’Éole.
Pour hâter un bonheur de qui dépend le sien,
Il veut de ces amans former l’heureux lien.
Un jour (l’île ce jour ne les vit point ensemble),
Soudain l’air a mugi, l’onde croît, l’île tremble,
Les flots tumultueux rugissent à l’entour :
Rien n’égale un orage excité par l’amour.
L’île cède, Égérie est en pleurs sur la rive.
Elle rappelle en vain son île fugitive,