Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/98

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Hélas ! Et son amour, injuste un seul moment,
Craint, en perdant sa dot, de perdre son amant.
Fille aimable, bannis une crainte importune !
L’aveugle amour est cher à l’aveugle fortune,
Et tous deux de ton île ils dirigent le cours.
Le terrain vagabond, après de longs détours,
Se rapproche des lieux où, seul sur le rivage,
Dolon, triste et pensif, entend gronder l’orage.
Il regarde, il s’étonne, il observe long-temps
Cette île voyageuse et ces arbres flottans,
Quand soudain à ses yeux, quelle surprise extrême !
La terre, en approchant, montre l’île qu’il aime.
Il tremble : il craint pour elle une vague, un écueil ;
Il la suit sur les eaux, il la conduit de l’œil.
L’île long-temps encor flotte au gré de l’orage ;
La vague enfin la pousse et l’applique au rivage.
Dolon court, Dolon vole : il parcourt ces beaux lieux
Si chéris de son cœur, si connus à ses yeux ;
Il cherche le bosquet, il cherche la cabane,
Où leurs discrets amours fuyoient un œil profane.
Les flots impétueux auront-ils respecté
Les fleurs qu’elle arrosoit, l’arbre qu’elle a planté ?
Trouvera-t-il encor sur l’écorce légère
De leurs chiffres unis le tendre caractère ?
Tout l’émeut, tout occupe et son âme et ses yeux :
D’un cœur moins effrayé, d’un œil moins curieux,