Page:Delille - L Homme des champs 1800.djvu/99

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Un tendre ami parcourt l’air, les traits, le visage
D’un ami que les flots jetèrent au rivage.
À peine cependant le calme a reparu,
Dolon revole aux lieux d’où l’île a disparu.
Il suit sa course, il vogue ; il arrive à la plage
Où la belle Égérie, en pleurs sur le rivage,
Cherchoit encor de l’œil, plus belle en sa douleur,
L’île qui fut sa dot, et qui fait son malheur.
Il embrasse en pleurant son vénérable père ;
Il tombe en suppliant aux genoux de sa mère :
Le destin, leur dit-il, vous a ravi vos biens,
Mais en vous les ôtant il vous donna les miens ;
Ils sont à vous, venez. Il dit, l’onde les mène
Au rivage où leur île est jointe à son domaine.
Le changement d’abord leur déguise les lieux ;
Mais d’Égérie à peine ils ont frappé les yeux,
Ah ! La voilà, dit-elle. Oui, la voilà, s’écrie
Le sensible Dolon, ton île tant chérie !
Ton malheur fut cruel, mon bonheur est plus grand !
L’orage te l’ôta, mon amour te la rend.
Vers ce rivage ami les dieux l’ont amenée :
Qu’ainsi puisse nous joindre un heureux hyménée !
Il dit ; la mère pleure et le père consent,
Et la belle Égérie accepte en rougissant.
Et cependant il veut que cette île si chère
Reprenne sa parure et sa forme première.