Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/11

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Pourquoi ce retour ?

Au fait, on a échangé des prisonniers entre les nations adverses. Ce n’étaient que des civils, des vieillards, des femmes. Pourtant je sais que des prisonniers militaires nous reviennent. Je dois me tromper. Mais si ! on a laissé rentrer des médecins, des auxiliaires du service de santé. Je savais bien. Non, je ne savais pas, ce n’est pas cela, Claude était dans l’infanterie ; sa dernière carte, évadée d’Allemagne, le disait encore. Alors, mais alors, parbleu, évadé, il s’était évadé, et voilà bien qui lui ressemblait, à cet audacieux ivre de volonté et d’énergie. Est-ce qu’il était capable de ne pas chercher à filer de leurs pattes pour revenir ici tirer quelques coups de fusil ou balancer quelques grenades ?

Est-ce qu’il était capable de ne pas savoir gagner le large, dès qu’il en avait conçu le plan ? Et je m’imaginais facilement, triomphalement, ce garçon, insoucieux des kilomètres, de la soif, de la faim, et des exécuteurs, traversant l’Allemagne, entrant en Suisse et venant frapper à la porte d’Anna Spring en criant bien fort : « Ouvrez vite. Je suis un homme d’intérieur. »

Et dans cette plaisanterie il y avait tout son cœur, puisque, depuis des années, il avait trouvé auprès d’Anna Spring, son ancienne camarade de l’École de médecine, le plus parfait refuge