Page:Delluc - Monsieur de Berlin, 1916.djvu/29

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sous des cheveux qui avaient dû blanchir très vite. La bouche avait désappris de sourire, si elle l’avait jamais su. Mais elle avait plus de lassitude que d’amertume, comme les yeux, soulignés de rides et de poches bleuâtres qui portaient encore la trace découragée d’un ancien charme et d’une volonté ancienne.

Le fou cessa de jouer.

Il me regarda encore un moment sans parler, puis il se leva, vint à moi et m’invita à m’asseoir.

— J’étais en bas, lui dis-je… j’entendais… j’écoutais… j’ai désiré vous voir… vous dire ce que votre…

Il était resté debout. Il sembla réfléchir, se passa la main sur le front et fit le geste de chasser une idée inopportune.

— La musique, dit-il…

Il s’assit lourdement. Il parla. Il parlait lentement et presque sans accent.

— J’aime bien la musique. Voilà une belle chose, monsieur. Voilà une bonne chose. Vous êtes musicien ?…

— C’est-à-dire que… certes…

— Je vois que je n’ai pas bu mon café. J’étais si absorbé. Peut-être voudrez-vous accepter une tasse ?

Je remerciai.

— Alors, une cigarette. Il faut. Ce café ne vaut