Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/114

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l’ont fait avec trop de sévérité. En effet, dans les deux chapitres principaux : l’Amour et le Mariage qui ont revêtu des formes si originales au dix-huitième siècle, les deux sexes rapprochés ne peuvent pas être analysés séparément. Dans la royauté des salons qui, sans conteste, appartenait à la femme, l’homme ne s’impose-t-il pas comme un sujet respectueux, mais dont l’absence fait évanouir la royauté de l’autre sexe ?

Que de nuances et d’infinies subdivisions de nuances ne faut-il pas noter dans cette vaste enquête sur l’éternel féminin, éternellement divers. Pour ne parler ici que d’une seule caste, au sommet, quelles différences entre les Arsinoés qui singeaient les mines compassées et la tenue rigide de Mme de Maintenon, dans les quinze premières années du siècle, et la génération gaillarde et licencieuse, née d’une éclosion spontanée et bruyante, dès les premiers jours de la Régence. Les femmes alors jetèrent leurs voiles aux orties, rompirent le jeûne avec une effronterie de bacchantes. Elles déchirèrent les mœurs vieillies de la France d’alors comme le Parlement avait déchiré le testament du feu roi. Quelles différences encore, pour ne m’arrêter qu’aux plus brillantes, entre les femmes du commencement de Louis XV, les sœurs de Nesles, Mme de Pompadour, Mme du Barry et Marie-Antoinette dont le sceptre dédoré tombe un instant aux mains de Mme Necker, de Mme Roland, puis de Mme Récamier.

Différences si sensibles que les apparences extérieures des femmes suivent les modifications que subissent leurs esprits. Sur cette observation curieuse, Paul de Saint-Victor, auquel le livre est dédié, a écrit le joli couplet que voici : « L’histoire fait et refait les femmes à son image ; elle sculpte, pour les temps corrects, des divinités classiques taillées d’un seul jet ; elle cisèle,