Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/153

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfin la petite Maréchal qui pouvait être charmante et ne devient quelque chose que lorsqu’elle n’est plus rien. Tout cela dialogué en français du carreau de la Halle pour le premier acte, pour le second en langage de la rue du Sentier, pour le troisième en style de la Porte-Saint-Martin… Grâce à mes amis et à moi qui avons fait de votre affaire, ainsi que l’a dit Alexandre Dumas fils, une chute bien lancée, votre pièce a tenu en éveil, quinze jours durant, la population parisienne ; vous avez été plus nommés, plus discutés, plus loués, pendant ces deux semaines, que dans vos quinze années de luttes et de désespoirs. »

On acheta la brochure sur le titre. Sept mille exemplaires furent enlevés en quelques jours. D’autres opuscules parurent encore. L’Art, journal des Impassibles, consacra tout un numéro aux siffleurs d’Henriette Maréchal, et M. de Villemessant qui venait de dédoubler le Figaro en créant l’Événement, s’était jeté sur ce sujet à sensation et avait commencé, le 9 décembre, la publication, sans coupures, de la pièce.

Tels étaient les meneurs et les justiciers, les tenants de l’art pur, les piliers de la morale qui voulaient faire croire aux naïfs qu’ils recommençaient la bataille d’Hernani parce qu’ils faisaient tapage rue Richelieu. Et l’effervescence des esprits était arrivée à un point tel qu’elle faisait craindre à Sainte-Beuve de ne pouvoir pas manger tranquillement au dîner de Magny. Il se souvenait d’avoir été échaudé, lui aussi, à son cours du Collège de France, et, la veille de la réunion, il écrivait à M. Boittelle, préfet de police :

« Ce dimanche, 17 décembre 1865.
« Monsieur et cher préfet,

« Ce que je vais avoir l’honneur de vous dire sera très