Page:Delzant - Les Goncourt, 1889.djvu/197

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ajouré, ciselé. Au mur, de grands dessins choisis parmi les Boucher et les préparations de La Tour. Au milieu, la cheminée sur le rebord de laquelle une aquarelle d’Edmond nous a montré des pantoufles et des chaussettes écossaises au bout de jambes qui font la barre fine d’un V dont le corps déjà dodu de Jules, fumant sa pipe, enfoncé dans une bergère à housse en coutil rayé, forme la barre forte. Cette cheminée supportait une Nymphe assise de Clodion, en terre cuite, et des flambeaux en bronze d’un modèle unique. Puis, dans les angles, ces deux hauts vases en biscuit de Sèvres dont je n’ai jamais revu non plus le modèle, d’un blanc qui fait penser à une neige tassée, durcie et coupée au canif, et qui, dans leur grâce rococo, semblent être sortis des mêmes tombeaux que les figurines de Tanagra…

« Il fumait beaucoup, Jules, et de gros cigares très forts. Il paressait beaucoup aussi. Quand j’entrais dans la chambre d’Edmond, qui était le cabinet de travail, je rencontrais presque toujours le dos d’Edmond courbé sur la table tout éclairée par un jour de cour, et Jules était sur le lit plat et lardé de coups de fleurets, fumait, feuilletait des brochures, ou, les sourcils un peu froncés, laissait la rêverie brouiller le bleu sombre de ses yeux de myope… »

De 1867 à 1870, les deux frères traînèrent une vie misérable. Ils étaient tous les deux malades et continuaient pourtant leur tâche d’écrivains, avec une force de volonté, avec une ténacité admirables. Au commencement de juin 1870, Jules s’alita ; une lésion à la base du cerveau se produisit et détermina une phthisie galopante. Edmond, dans la Maison d’un artiste, a raconté son agonie : « Je le revois, mon bon et joli frère, quand je le relevai et que je l’interrogeai, et que je lui par-