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crit. Paul de Saint-Victor et M. Mario Uchard auxquels il avait été communiqué, l’avaient porté à M. Goudchaux, qui était alors directeur du Vaudeville. La pièce fut refusée. Quelques jours après, M. de Beaufort, successeur de M. Goudchaux, la lut aussi, resta perplexe, vit un danger dans l’acte où la petite presse est mise en scène, enfin rendit le manuscrit aux auteurs. Deux ans après, ceux-ci ne furent pas plus heureux auprès de M. de la Rounat, directeur de l’Odéon. Paul de Saint-Victor reçut de lui la réponse suivante :

« Paris, le 15 mai 1860.
« Cher ami,
« J’ai mis à profit les loisirs que m’a faits le scalpel du docteur Huguier pour lire l’ouvrage de MM. de Goncourt. Je suis de votre avis : c’est plein d’esprit et de jolies choses, mais c’est là du théâtre qu’on imprime et non pas du théâtre qu’on joue.
« Quelles que soient ma sympathie et ma bonne volonté, je ne puis accepter la pièce. Le public ne s’intéresse pas le moins du monde à ces choses-là, et, vraiment, cette nichée de gens mise en scène est bien vile et bien basse. Ce serait triste de montrer aux bourgeois cette sale cuisine littéraire. L’estime qu’ils professent pour les littérateurs est assez médiocre et j’aurais honte de leur montrer toutes ces vilaines personnalités.
« Le dernier acte fait une disparate complète avec les autres et le tout me semble offrir un assortiment complet de dangers : je ne doute pas du naufrage.
« Je regrette, cher ami, de ne pouvoir servir deux hommes de talent auxquels vous vous intéressez, mais vrai ! je ne le puis pas en ceci.
« Mille regrets de mon amitié dévouée.
« Charles de la Rounat. »

Les auteurs résolurent alors de faire le contraire de ce qui se pratique ordinairement, de tirer un roman de leur pièce. Ils recommencèrent leur ouvrage, reprirent leurs calepins et leurs dossiers de notes, donnèrent du large et du développement aux idées qu’ils avaient