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POÉSIES

» Il n’entend pas mon âme, il me croit insensée.
» Eh ! que me rendra-t-il pour tous mes biens ravis ?
» Que dit-il ?… Je ne sais, mais sa voix m’a blessée.
» Oh ! tais-toi ! j’aime mieux écouter ma douleur ;
» Elle parle d’Arthur, elle a ses jeunes charmes,
» Ses suppliantes mains, son effroi, sa pâleur,
» Elle est… ce qu’il était ! oui, cette ombre fidèle
» Au milieu de la nuit me réveille, m’appelle,
» M’embrasse et m’apparaît avec ses traits chéris.
» Laisse-moi l’adorer, elle me rend mon fils ;
» Elle a son doux accent, je l’écoute, je pleure ;
» Je la suis comme Arthur, au son triste de l’heure,
» Et, sous l’habit d’Arthur, quand je l’ai rencontré,
» Elle m’en a fait voir le fantôme adoré.

» Toi, tu n’as pas de fils, je le vois, j’en suis sûre :
» Effrayé pour toi-même et plaignant ma blessure,
» Tu te fondrais en pleurs, tu ne pourrais parler.
» Non ! tu n’as pas de fils, peux-tu me consoler ?
» Écoute ! et sois ému de mes plaintes amères :
» Quand je parle d’Arthur, tout m’entend, tout frémit.
» Les anges attentifs pleurent aux cris des mères,
» Dieu même en les frappant les regarde et gémit ;
» Il est père ! il est Dieu. Dans sa miséricorde
» Il forme de nos pleurs l’espoir qu’il nous accorde :
» On m’a volé mon fils, et Dieu me le rendra.