Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/90

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64 Œuvres de Descartes.

��80-81.

��trompeur, & que par confequent il n'a point permis qu'il peuft y auoir aucune fauileté dans mes opinions, qu'il ne m'ait aufli donné 100 quelque faculté capable de la cor|riger, ie croy pouuoir conclure alîurement que i'ay en moy les moyens de les connoiftre auec cer- titude.

Et premièrement il n'y a point de doute que tout ce que la nature m'enfeigne contient quelque vérité. Car par la nature, conûderée en gênerai, ie n'entens maintenant autre chufe que Dieu mefme, ou bien l'ordre & la dirpofition que Dieu a établie dans les chofes créées. Et par ma nature en particulier, ie n'entens autre chofe que la complexion ou l'alfemblage de toutes les chofes que Dieu m'a données.

Or il n'y a rien que cette nature m'enfeigne plus expreffement, ny plus fenfiblement, fmon que i'ay vn corps, qui eH ma! dilpofé quand ie fens de la douleur, qui a befoin de manger ou de boire, quand i'ay les fentimens de la faim ou de la foif, &c. Et partant ie ne dois aucunement douter qu'il n'y ait en cela quelque vérité.

j La nature m'enfeigne auffi par ces fentimens de douleur, de faim, de foif, &c., que ie ne fuis pas feulement logé dans mon corps, ainfi qu'vn pilote en fon nauire, mais, outre cela, que ie luy fuis conioint tres-étroittement & tellement confondu & méfié, que.ie compofe comme vn feul tout auec luy. Car, Il cela n'ertoit, lorfque mon corps eu bleffé, ie ne fentirois pas pour cela de la douleur, moy qui ne fuis qu'vne chofe qui penfe, mais i'aperceurois cette bleffure par le feul entendement, comme vn pilote appcrçoit par la veuë fi 101 quelque chofe fe rompt dans fon vaiffeau; | & lorfque mon corps a befoin de boire ou de manger, ie connoiftrois fimplement cela mefme, fans en ertre auerty par des fentimens confus de faim & de foif. Car en effed tous ces fentimens de faim, de foif, de douleur, &c., ne font autre chofe que de certaines façons confufes de penfer, qui prouiennent & dépendent de l'vnion & comme du mélange de l'efprit auec le corps.

Outre cela, la nature m'enfeigne que plufieurs autres corps exiftent autour du mien, entre lefquels ie dois pourfuiure les vns & fuir les autres. Et certes, de ce que ie fens différentes fortes de couleurs, d'odeurs, de faueurs, de fons, de chaleur, de dureté, &c., ie conclus fort bien qu'il y a dans les corps, d'où procèdent toutes ces diuerfes perceptions des fens, quelques varietez qui leur répondent, quoy que peut-eftre ces varietez ne leur foient point en e£Fei5l femblables. Et auffi, de ce qu'entre ces diuerfes perceptions des fens, les vnes me font agréables, & les autres defagreables, ie

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