Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/132

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J’étais, depuis l’événement, dans des transes mortelles pour savoir dans quelle situation se trouverait ma Dora, quel serait son tuteur, etc., etc., et la proposition de M. Jorkins me donnait l’occasion de dissiper mes doutes. Nous nous mîmes tout de suite à l’œuvre ; M. Jorkins ouvrait les pupitres et les tiroirs, et nous en sortions tous les papiers, Nous placions d’un côté tous ceux du bureau, de l’autre tous ceux qui étaient personnels au défunt, et ils n’étaient pas nombreux. Tout se passait avec là plus grande gravité et quand nous trouvions un cachet ou un porte-crayon ou une bague, ou les autres menus objets à son usage personnel, nous baissions instinctivement la voix.

Nous avions déjà scellé plusieurs paquets, et nous continuions au milieu du silence et de la poussière, quand M. Jorkins me dit en se servant exactement des termes dans lesquels son associé, M. Spenlow, nous avait jadis parlé de lui :

« M. Spenlow n’était pas homme à se laisser facilement détourner des traditions et des sentiers battus. Vous le connaissiez. Eh bien ! je suis porté à croire qu’il n’avait pas fait de testament.

— Oh, je suis sûr du contraire ! » dis-je.

Tous deux s’arrêtèrent pour me regarder.

« Le jour où je l’ai vu pour la dernière fois, repris-je, il m’a dit qu’il avait fait un testament, et qu’il avait depuis longtemps mis ordre à ses affaires. »

M. Jorkins et le vieux Tiffey secouèrent la tête d’un commun accord.

« Cela ne promet rien de bon, dit Tiffey.

— Rien de bon du tout, dit M. Jorkins.

— Vous ne doutez pourtant pas ? repartis-je.

— Mon bon monsieur Copperfield, me dit Tiffey, et il posa la main sur mon bras, tout en fermant les yeux et en secouant la tête, si vous aviez été aussi longtemps que moi dans cette étude, vous sauriez qu’il n’y a point de sujet sur lequel les hommes soient aussi imprévoyants, et pour lequel on doive moins les croire sur parole.

— Mais, en vérité ce sont ses propres expressions ! répliquai-je avec instance.

— Voilà qui est décisif reprit Tiffey. Mon opinion alors c’est… qu’il n’y a pas de testament. »

Cela me parut d’abord la chose du monde la plus bizarre, mais le fait est qu’il n’y avait pas de testament. Les papiers