Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/66

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Je connaissais assez ma tante pour savoir qu’elle avait quelque chose d’important à m’apprendre, et que son arrivée en disait plus long qu’un étranger n’eût pu le supposer. Je remarquai que ses regards étaient constamment attachés sur moi, lorsqu’elle me croyait occupé d’autre chose, et qu’elle était dans un état d’indécision et d’agitation intérieures mal dissimulées par le calme et la raideur qu’elle conservait extérieurement. Je commençai à me demander si j’avais fait quelque chose qui pût l’offenser, et ma conscience me dit tout bas que je ne lui avais pas encore parlé de Dora. Ne serait-ce pas cela, par hasard ?

Comme je savais bien qu’elle ne parlerait que lorsque cela lui conviendrait, je m’assis à côté d’elle, et je me mis à parler avec les oiseaux et à jouer avec le chat, comme si j’étais bien à mon aise ; mais je n’étais pas à mon aise du tout, et mon inquiétude augmenta en voyant que M. Dick, appuyé sur le grand cerf-volant, derrière ma tante, saisissait toutes les occasions où l’on ne faisait pas attention à nous, pour me faire des signes de tête mystérieux, en me montrant ma tante.

« Trot, me dit-elle enfin, quand elle eut fini son thé, et qu’après s’être essuyé les lèvres, elle eut soigneusement arrangé les plis de sa robe ;… vous n’avez pas besoin de vous en aller, Barkis !… Trot, avez-vous acquis plus de confiance en vous-même ?

— Je l’espère, ma tante.

— Mais en êtes-vous bien sûr ?

— Je le crois, ma tante.

— Alors, mon cher enfant, me dit-elle en me regardant fixement, savez-vous pourquoi je tiens tant à rester assise ce soir sur mes bagages ? »

Je secouai la tête comme un homme qui jette sa langue aux chiens.

« Parce que c’est tout ce qui me reste, dit ma tante ; parce que je suis ruinée, mon enfant ! »

Si la maison était tombée dans la rivière avec nous dedans, je crois que le coup n’eût pas été, pour moi, plus violent.

« Dick le sait, dit ma tante en me posant tranquillement la main sur l’épaule ; je suis ruinée, mon cher Trot. Tout ce qui me reste dans le monde est ici, excepté ma petite maison, que j’ai laissé à Jeannette le soin de louer. Barkis, il faudrait un lit à ce monsieur, pour la nuit. Afin d’éviter la dépense, peut-être pourriez-vous arranger ici quelque chose pour moi,