Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/75

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mon traité avec M. Spenlow et recouvrer la somme convenue. Je déjeunai à Hampstead, puis je repris le chemin de la Cour, à travers les routes encore humides de rosée, au milieu du doux parfum des fleurs qui croissaient dans les jardins environnants ou qui passaient dans des paniers sur la tête des jardiniers, ne songeant à rien autre chose qu’à tenter ce premier effort, pour faire face au changement survenu dans notre position.

J’arrivai pourtant de si bonne heure à l’étude que j’eus le temps de me promener une heure dans les cours, avant que le vieux Tiffey, qui était toujours le premier à son poste, apparût enfin avec sa clef. Alors je m’assis dans mon coin, à l’ombre, à regarder le reflet du soleil sur les tuyaux de cheminée d’en face, et à penser à Dora, quand M. Spenlow entra frais et dispos.

« Comment allez-vous, Copperfield ! me dit-il. Quelle belle matinée !

— Charmante matinée, monsieur ! repartis-je. Pourrais-je vous dire un mot avant que vous vous rendiez à la Cour ?

— Certainement, dit-il, venez dans mon cabinet. »

Je le suivis dans son cabinet, où il commença par mettre sa robe, et se regarder dans un petit miroir accroché derrière la porte d’une armoire.

« Je suis fâché d’avoir à vous apprendre, lui dis-je, que j’ai reçu de mauvaises nouvelles de ma tante !

— Vraiment ! dit-il, j’en suis bien fâché ; ce n’est pas une attaque de paralysie, j’espère ?

— Il ne s’agit pas de sa santé, monsieur, répliquai-je. Elle a fait de grandes pertes, ou plutôt il ne lui reste presque plus rien.

— Vous m’é…ton…nez, Copperfield ! » s’écria M. Spenlow.

Je secouai la tête.

« Sa situation est tellement changée, monsieur, que je voulais vous demander s’il ne serait pas possible… en sacrifiant une partie de la somme payée pour mon admission ici, bien entendu (je n’avais point médité cette offre généreuse, mais je l’improvisai en voyant l’expression d’effroi qui se peignait sur sa physionomie)… s’il ne serait pas possible d’annuler les arrangements que nous avions pris ensemble. »

Personne ne peut s’imaginer tout ce qu’il m’en coûtait de faire cette proposition. C’était demander comme une grâce qu’on me déportât loin de Dora.