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NICOLAS NICKLEBY.

ressemblance qu’on pouvait ne pas remarquer lorsqu’on les voyait séparément. Tous deux avaient aussi une indéfinissable ressemblance avec Ralph, et jamais elle n’avait été plus appréciable, car jamais leur beauté et leur noblesse n’avaient mieux contrasté avec sa bassesse et sa laideur.

— Qui vous amène ici, imposteur ? s’écria Ralph en grinçant des dents. Retirez-vous, misérable ! — Je viens sauver votre victime si je le puis. Vos injures ne sauraient m’émouvoir, je resterai ici jusqu’à ce que ma mission soit remplie. — Jeune fille, retirez-vous, dit Ralph ; nous pouvons employer la force contre lui ; mais je ne voudrais pas vous faire du mal s’il y avait moyen de l’éviter ; retirez-vous, faible femme, et laissez-nous traiter ce drôle comme il le mérite. — Je ne m’en irai pas ! s’écria Catherine les yeux étincelants et les joues empourprées ; si vous l’attaquez, il saura se défendre. Je serais pour vous un moins dangereux adversaire ; mais si j’ai la faiblesse d’une fille, j’ai le cœur d’une femme, et ce n’est pas vous qui dans une cause comme celle-ci me détournerez de mon dessein.

— Et quel est votre dessein, haute et puissante dame ? — D’offrir un asile au malheureux objet de vos persécutions, répondit Nicolas. Si la crainte du mariage que vous lui préparez ne suffit pas pour la déterminer, j’espère qu’elle sera touchée des prières et des instances d’une personne de son sexe. En tout cas, nous essayerons : j’avouerai à son père le nom de celui qui m’envoie ; et s’il persiste, ses torts seront encore plus graves. J’attends ici le père et la fille, c’est pour eux que ma sœur et moi affrontons votre présence ; notre intention n’est ni de vous voir ni de vous parler, ainsi cessons toute conversation. — Vraiment ! dit Ralph… Eh bien ! Gride, ce garçon, voyez-vous, qu’il me répugne de nommer le fils de mon frère, est un réprouvé souillé de tous les crimes. En venant troubler une cérémonie solennelle, il a craint d’être chassé ignominieusement, et il a amené sa sœur pour lui servir de chaperon ; mais elle ne le sauvera pas. Catherine, remerciez votre frère. Gride, faites descendre Bray sans sa fille. — Ne bougez pas ! s’écria Nicolas en lui barrant le passage. — Ne l’écoutez pas, et faites descendre Bray. — Malheur à vous si vous m’approchez ! dit Nicolas.

Gride hésita. Ralph, furieux comme un tigre agacé, fit un pas vers la porte, et prit rudement le bras de Catherine ; mais Nicolas le saisit au collet. En ce moment un corps pesant tomba avec bruit sur le parquet de l’étage supérieur, et l’on entendit un cri terrible. Tous se regardèrent en silence. Les cris se succédèrent, des pas précipités ébranlèrent la maison, et plusieurs voix perçantes répétèrent :

— Il est mort !