Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/158

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saient chorus, et riaient encore plus fort que les autres, peut-être pour dissimuler une autre émotion produite chez eux par ce petit incident. Et, à vrai dire, après les premiers éclats de rire, l’attendrissement gagnait aussi les trois vieux amis, sans qu’ils voulussent le laisser paraître. Ainsi cet accès de gaieté franche et naïve leur procura plus de bonheur et de vrai plaisir que jamais assemblée élégante n’en a trouvé peut-être dans le trait d’esprit le plus aigu, décoché contre quelque absent.

« Monsieur Nickleby, dit le frère Charles en l’attirant à part et lui pressant doucement la main, je suis impatient, mon cher monsieur, de voir si vous êtes établi convenablement et à votre aise dans votre cottage. Nous nous reprocherions de laisser ceux qui nous rendent service souffrir de quelque privation ou de quelque gêne qu’il serait en notre pouvoir de faire disparaître. Je désire aussi beaucoup voir votre mère et votre sœur, faire connaissance avec elles, monsieur Nickleby, et trouver une occasion de relever leur courage en leur donnant l’assurance que tous les petits services que nous pourrons leur rendre sont bien au-dessous de tout ce que nous devons à votre zèle et à l’ardeur que vous déployez dans votre emploi. Pas un mot, mon cher monsieur, je vous en prie. C’est demain dimanche. Je prendrai la liberté d’y aller vers l’heure du thé, dans l’espérance de vous trouver chez vous. Si vous n’y êtes pas, vous savez, ou si ces dames ont de la répugnance pour une visite intempestive, et qu’elles préfèrent ne pas nous voir encore, je puis y retourner un autre jour : tous les jours me conviendront. Que cela soit bien entendu entre nous. Dites-moi, frère Ned, mon cher ami, je voudrais vous dire un mot par là. »

Les deux jumeaux sortirent du bureau, en se donnant le bras. Nicolas crut voir dans cette nouvelle preuve d’amitié, et dans toutes celles qui lui furent prodiguées ce jour-là même une espèce de bienvenue par laquelle les frères voulaient fêter le retour de leur neveu, en lui renouvelant à lui-même toutes les assurances flatteuses qu’il en avait déjà reçues auparavant, et ces attentions délicates ajoutaient de plus en plus à ses sentiments d’affection reconnaissante.

La nouvelle qu’elle allait recevoir le lendemain une visite (et quelle visite !) éveilla dans l’âme de Mme Nickleby un mélange de ravissement et de regrets ; car, si elle y voyait d’un côté le gage de sa prochaine rentrée dans la bonne société et dans les plaisirs presque oubliés déjà de visites du matin, de soirées pour prendre le thé, etc., elle ne pouvait pas, de l’autre, s’empêcher de songer avec amertume et découragement qu’elle n’a-