Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/179

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

racher le masque. Hum !… je crois que vos beaux jours sont passés, mon beau monsieur. »

Tout en disant cela, il crayonna une note sur son agenda, où le nom de Mantalini figurait avec honneur, et voyant à sa montre qu’il était entre neuf et dix, se dépêcha de retourner chez lui.

« Sont-ils ici ? » demanda-t-il en entrant à Newman.

Newman fit signe que oui : « Venus il y a une demi-heure.

— Ils sont deux, dont l’un est un gros homme luisant ?

— Oui, dit Newman, dans votre cabinet.

— Bon ! allez me chercher une voiture.

— Une voiture ! quoi ! vous… aller en voiture ?… Eh ! » bégaya Newman.

Ralph répéta ses ordres d’un air mécontent, et Noggs, bien excusable de se montrer surpris d’une circonstance si extraordinaire, si contraire aux habitudes de son patron, car il ne l’avait vu de sa vie prendre un fiacre, alla faire sa commission, et revint promptement avec le véhicule.

M. Squeers y monta d’abord, puis Ralph, puis le troisième personnage que Newman n’avait jamais vu. Newman se tint sur le pas de la porte pour les voir partir, sans se donner la peine de se demander où il pouvait aller et pourquoi faire, jusqu’au moment où il entendit par hasard Ralph donner au cocher le nom et l’adresse de la personne chez laquelle il devait les mener.

Aussi prompt que l’éclair, Newman, dans son étonnement, court chercher au bureau son chapeau, et s’élance après la voiture, dans l’intention sans doute de monter derrière ; mais il n’y avait plus moyen, elle avait sur lui trop d’avance : il fallut renoncer à l’espoir de l’atteindre dans sa course ; Newman resta au beau milieu de la rue, à la regarder bouche béante.

« Au fait, dit Noggs s’arrêtant pour reprendre haleine, qu’aurais-je gagné à monter derrière ? Il m’aurait vu… Ah ! c’est là qu’il va ! Qu’est-ce que cela va devenir ? Si je l’avais seulement su hier, j’aurais pu le dire… Ah ! c’est là qu’il va ! Il y a quelque méchanceté là-dessous ; cela ne peut pas être autrement. »

Ses réflexions furent interrompues par l’approche d’un homme à cheveux gris, d’un extérieur fort extraordinaire, mais peu avantageux, qui, s’avançant vers lui d’un pas timide, lui demanda la charité.

Newman, encore plongé dans ses méditations, se détourna sans lui répondre ; mais l’homme le suivit et lui dépeignit sa misère sous des couleurs si vives que Newman (la dernière personne assurément dont on pût espérer de recevoir l’aumône, il