Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/243

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santes pour expliquer les symptômes de son mal, Nicolas aimait à nourrir l’espérance de voir bientôt son ami recouvrer la santé. Il la faisait partager à ses sœurs et à sa mère ; et, comme l’objet de leur commune sollicitude n’avait pas l’air de ressentir lui-même ni souffrance, ni abattement, que tous les jours au contraire il répondait, le sourire sur les lèvres, qu’il se sentait mieux que la vielle, leurs craintes se dissipèrent et le bonheur général revint encore par degrés habiter la maison.

Plus tard, dans les années qui suivirent, Nicolas mainte et mainte fois repassa dans son souvenir cette période de sa vie, et se représenta ces scènes domestiques d’un repos humble et tranquille, qui lui rappelait alors sa première jeunesse. Mainte et mainte fois, au crépuscule d’une soirée d’été ou devant le feu pétillant de l’hiver, ses pensées mélancoliques retournèrent vers ces temps passés et s’arrêtèrent, avec un chagrin qui n’était pas sans charme, sur les plus minces souvenirs dont les détails se pressaient dans son esprit. C’était la petite chambre où ils étaient si souvent restés assis, à la tombée du jour, à rêver ensemble des projets de bonheur. C’était la voix folâtre et le rire joyeux de Catherine, qui leur manquait bien quand elle était sortie par hasard et qu’ils restaient tristement à attendre son retour, ne rompant le silence que pour exprimer leur ennui de son absence. C’était l’ardeur avec laquelle le pauvre Smike s’élançait du coin obscur où il se tenait d’ordinaire pour aller la recevoir à son arrivée, ou bien les larmes qu’ils voyaient souvent alors baigner son visage, sans pouvoir se rendre compte de cet étrange mélange de joie et de tristesse. Il n’y avait pas, dans l’histoire de ces jours tranquilles, un incident si petit, un mot si futile, un regard si fugitif, alors inaperçu, qui ne se retraçât frais et vivant dans sa mémoire, quand le temps eut adouci plus tard ses soucis et ses peines. Ses souvenirs refleurissaient alors, sans avoir été flétris par la poussière desséchante des années, verts au contraire, jeunes et vigoureux comme le rejeton de la veille.

Mais ces souvenirs ne se bornaient pas là, et nous ne devons pas oublier plusieurs autres personnes qui s’y trouvèrent mêlées ; ce qui nous ramène naturellement aux détails de notre histoire commencée : qu’elle reprenne donc son train accoutumé. Nous promettons aux lecteurs de modérer désormais ses allures anticipées, ses écarts désordonnés, et de la contenir dans le cours régulier de ses développements légitimes.

Si les frères Cheeryble témoignaient tous les jours à Nicolas, par quelque nouvelle preuve de leur bienveillance solide, qu’ils