Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/263

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expression monotone et dans le même ordre, tout le long du jour.

« Rouge et noire de Paris, messieurs ! faites votre jeu et vos enjeux, tout le temps que la bille roule ; rouge et noire de Paris, messieurs ! c’est un jeu français, messieurs ; c’est moi qui l’ai importé, c’est connu. Rouge et noire de Paris ! la noire gagne, la noire… Arrêtez un moment, monsieur, je vais vous payer tout de suite ; cinquante francs ici, douze francs cinquante là, soixante-quinze là et vingt-cinq par ici. Messieurs, la bille roule ; tant que la bille roule, vous pouvez, monsieur ; le beau du jeu, messieurs, c’est que vous pouvez doubler vos enjeux ou engager votre argent tout le temps que la bille roule… Encore la noire ; c’est la noire qui gagne ; je n’ai jamais vu chose pareille, jamais de ma vie, ma parole d’honneur. Si un de ces messieurs avait soutenu la noire depuis cinq minutes, il aurait gagné douze cents francs en quatre tours de bille, c’est sûr. Messieurs ! nous avons du porto, du xérès, des cigares, d’excellent champagne. Garçon ! une bouteille de champagne et douze ou quinze cigares ; ne nous refusons rien, messieurs ; et des verres propres, garçon. Tout le temps que la bille roule,… j’ai perdu trois mille francs hier, messieurs, en un tour de bille ; c’est connu… Comment vous portez-vous, monsieur (à un monsieur qu’il reconnaît, et sans changer de ton, lui faisant seulement du coin de l’œil un signe imperceptible) ? Voulez-vous prendre un verre de xérès, monsieur ? Garçon ! un verre propre et du xérès à monsieur ; vous le passerez à la ronde, n’est-ce pas, garçon ? Voici le rouge et noire de Paris, messieurs ! Tout le temps que la bille roule, messieurs, faites votre jeu et vos enjeux ; voici le rouge et noire de Paris, jeu nouveau que j’ai importé moi-même, c’est connu. Messieurs, la bille roule ! »

Cet estimable fonctionnaire était tout entier à son emploi, quand on vit entrer dans la baraque une demi-douzaine de personnages qu’il salua respectueusement, sans discontinuer cependant ni ses paroles ni sa besogne. En même temps il appela par un coup d’œil l’attention d’un individu qui était près de lui sur le plus grand des nouveaux venus, auquel le propriétaire ôtait son chapeau. C’était sir Mulberry Hawk, accompagné de son élève, et d’une escorte de gens d’une mise élégante, mais d’un caractère plus que suspect.

Le propriétaire, à voix basse, souhaita le bonjour à sir Mulberry qui, du même ton, l’envoya au diable, et se retourna pour continuer la conversation avec son cortège.

Il était évidemment agacé par la certitude où il était qu’en se