Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/322

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tenant, allons nous coucher jusqu’à cinq heures et demie ; car c’est l’heure à laquelle il faut que je me lève pour aller me marier, Marguerite. » Là-dessus, il donna une petite tape d’amitié à Mme Sliderskew sous le menton. Il sembla même un moment disposé à célébrer les funérailles de son célibat en imprimant un baiser sur les lèvres ratatinées de la vieille, mais il se ravisa, se contenta de lui donner encore une petite tape sur la joue au lieu de cette autre familiarité moins innocente, et, se dérobant au danger, prit modestement le chemin de sa chambre à coucher.


CHAPITRE XXII.

Projets manqués.

Il n’y a pas beaucoup de gens qui restent au lit trop tard, endormis plus longtemps qu’il le faut, le jour de leur noce. On cite une légende de je ne sais quel personnage très renommé pour son esprit distrait, qui, en ouvrant les yeux le matin du jour où il allait épouser une jeune femme, et ne s’en souvenant plus du tout, tança ses domestiques pour lui avoir préparé sur sa chaise les beaux habits destinés à le parer ce jour-là. Mais il est vrai qu’on cite aussi la légende d’un jeune gentleman qui, sans respect pour les canons de l’Église, dirigés justement contre de pareils méfaits, conçut une passion violente pour sa grand’mère. Voilà deux cas d’un genre bien différent, mais aussi extraordinaires l’un que l’autre, et je doute que les générations futures soient disposées à suivre volontiers ni l’un ni l’autre exemple.

Arthur Gride était déjà embelli, depuis une heure au moins, de son habillement de noce vert-bouteille, avant que Mme Sliderskew, sortie des bras de Morphée, vint frapper à la porte de sa chambre ; et il avait déjà descendu les escaliers en grande toilette ; il s’était déjà léché les lèvres d’une petite goutte de son cordial favori, avant que cette dame, ou plutôt, que cet échantillon délicat des temps rétrospectifs eût orné la cuisine de sa présence.

« Voyez-vous ça ! disait Marguerite grommelant, tout en s’acquittant de ses fonctions domestiques, au milieu du petit tas de cendres qu’elle venait d’enlever de la grille rouillée de la cheminée.