Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/323

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Voyez-vous ça, des noces à monsieur ! de belles noces, ma foi ! Il lui faut quelque chose de mieux que sa vieille Marguerite pour prendre soin de lui, à ce qu’il paraît, et cela après m’avoir dit mainte et mainte fois, pour me faire prendre en patience la maigre chère, les piètres gages et le feu mesquin qu’il me donnait à la maison : « Mon testament, Marguerite, mon testament ! Je suis célibataire,… pas d’amis,… pas de parents, Marguerite. » Que de mensonges ! Aujourd’hui, le voilà qui va m’amener une nouvelle maîtresse, un petit brin de fille qui sort de nourrice. S’il lui fallait une femme à ce vieux fou, pourquoi n’en prendre pas une d’un âge mieux assorti avec le sien, et qui connaisse ses habitudes ? Une femme comme moi n’était-elle pas mieux son fait ? mais non ; monsieur veut mieux que cela ; eh bien ! vous aurez un plat de mon métier, mon bel ami. »

Pendant que Mme Sliderskew, dominée par un sentiment de désappointement qui renversait tous ses rêves, et sensible peut-être au peu d’estime que son maître paraissait faire de sa personne en lui préférant une étrangère, ne se gênait pas pour exprimer ainsi ses plaintes à demi-voix au bas de l’escalier, Arthur Gride était dans le parloir à réfléchir sur le petit événement de la veille au soir.

« Je ne peux pas m’imaginer, disait-il, où il a pu prendre ce qu’il sait, à moins que je n’aie eu l’indiscrétion d’en laisser entrevoir quelque chose… à Bray, par exemple, et qu’on ne m’ait entendu. C’est possible ; je n’en serais pas étonné. M. Nickleby me grondait souvent de lui parler avant d’avoir passé le pas de la porte… Je me garderais bien d’aller conter ça, car il m’en dirait de belles ! J’en serais abasourdi toute la journée ! »

En général, Ralph était regardé et considéré, dans sa société, comme un génie supérieur ; mais Arthur Gride, en particulier, s’était fait, de son caractère morne et inflexible, ainsi que de son habileté consommée, une si haute idée, qu’il avait peur de lui. Naturellement lâche et servile au fond de l’âme, il se mettait à plat ventre devant Ralph Nickleby, et même, quand ils n’avaient pas, comme aujourd’hui des intérêts communs, il lui aurait plutôt léché les pieds, et se serait couché volontiers dans la poussière devant ses pas, plutôt que de lui rendre coup pour coup, ou de répondre à ses sarcasmes autrement que par la bassesse d’un esclave vil et rampant.

C’est chez lui qu’Arthur Gride se rendit à l’instant, selon leurs conventions, et lui raconta comment, la veille au soir, il lui était venu un jeune fanfaron qu’il n’avait jamais vu, qui s’était permis d’entrer jusque dans sa maison, et qui avait essayé de le