Page:Dickens - Nicolas Nickleby, trad. Lorain, 1885, tome 2.djvu/324

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faire renoncer, par ses menaces, aux noces projetées. Enfin, il lui fit en raccourci, le récit de tout ce qu’avait dit et fait Nicolas. Il se tut seulement, comme il se l’était promis, sur la crainte qu’il avait d’avoir laissé échapper son secret.

« Eh bien ! après ? dit Ralph.

— Oh ! voilà tout, répliqua Gride.

— Il a essayé de vous effrayer, dit Ralph, et vous, je suppose que vous vous êtes laissé effrayer, n’est-ce pas ?

— C’est bien moi, au contraire, qui l’ai effrayé en criant au voleur, à l’assassin répliqua Gride. Il y a même eu un instant où j’y allais bon jeu, bon argent, voyez-vous ; j’avais bien envie de le faire arrêter sur ma parole, comme un homme qui était venu me demander la bourse ou la vie.

— Comment donc ? dit Ralph en le regardant de travers ; vous êtes jaloux, par-dessus le marché ?

— Là ! le voilà-t-il pas ? cria Arthur en se frottant les mains et en affectant de rire.

— Pourquoi toutes ces grimaces, mon cher ? lui dit Ralph. Certainement que vous êtes jaloux, et, franchement, vous n’avez pas tort.

— Non, non, non… J’aurais tort, avouez-le, et ne pensez pas que je n’aurais pas tort, cria Arthur d’une voix émue ; n’est-ce pas ? Voyons ! parlez franchement.

— Dame ! réfléchissons un peu, répondit Ralph. Voici un vieillard qui va forcer une jeune fille à l’épouser ; survient à ce vieillard un jeune et beau garçon… Vous m’avez dit que c’était un beau garçon, n’est-ce pas ?

— Non ! répliqua Arthur Gride en grondant.

— Oh ! reprit Ralph, je croyais que si. Eh bien ! beau ou pas, il survient à ce vieillard un jeune gaillard qui le provoque de la manière la plus insultante, et lui déclare que sa maîtresse n’a pour lui que de la haine. Pourquoi vous imaginez-vous qu’il fait tout cela ? Serait-ce par pur amour de la philosophie ?

— Ce n’est toujours pas par amour pour la demoiselle, répliqua Gride ; car il a dit lui-même qu’il n’y avait pas eu entre eux une seule parole d’amour.

— Ah ! il a dit cela ! répéta Ralph avec un air de mépris. Eh bien ! il y a une chose qui me plaît dans ce garçon-là, c’est la candeur avec laquelle il vient vous donner le conseil de bien tenir votre… comment appelez-vous ça ? votre mignonne, ou votre poulette, n’importe, soigneusement sous clef. Garde à vous, Gride, garde à vous ! Certainement c’est une conquête glorieuse d’enlever cette Hélène à un jeune galant qui vous la